les textes du CLEC
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5. Les mains caressent la nuit
8. Rêve sur l’époque en bande dessinée crescendo
les textes
J'ai rêvé la lumière
et tu étais dans la nuit ;
tu ne me voyais pas
et je te regardais.
Chacun d’un côté du rideau !
J’étais toile,
et toi tu étais pinceau.
Quelque chose qui ressemble
à ces gueuses dont on nourrit
les hauts-fourneaux
a traversé le tableau
te noyant dans la suie,
m’effaçant dans la flamme.
Toi, toujours accroché à ton esquisse,
Cherchant à redonner vie
à ce corps qui déjà
s’efface en fumée.
Éveil-matin
Une bulle étanche dans la nuit qui s’achève.
Les paupières encore trop lourdes restent obstinément closes.
Pourtant, tout doucement, des fissures apparaissent et laissent tamiser le dernier
songe en cours.
Une sorte d’apesanteur s’installe. Rêve, réveil ?
Intuitivement, une tentative de colmatage s’opère puisqu’il faut à tout prix achever
le rêve interrompu, tellement intéressant !
La césure n’est pas nette, le rattrapage difficile, subsistent de nombreux trous
insondables. La suite semble s’éloigner du scénario soudainement imprécis.
La bulle enfle alors démesurément malgré l’épais pourtour qui subsiste encore.
L’objectif ne fonctionne plus, le zoom devient incontrôlable. Les images oniriques
s’éloignent, se transforment en mirage. Le flou avant leur disparition totale : la bulle
s’est désagrégée.
Le rêve passé, le cerveau incite enfin les paupières à s’ouvrir. Une dernière et
vaine résistance avant le véritable réveil, le regard à nouveau actif, capable de
discerner le plafond de la chambre ou la lueur du jour dans l’entrebâillement des
volets. Un nouveau matin se présente.
Le lever s’opère alors, le corps encore tout ensommeillé, l’esprit encore habité par
les bribes du rêve. Dans un indéfinissable labyrinthe, celles-ci réapparaissent
furtivement puis se perdent à tout jamais.
Une quinzaine de pas encore mal assurés mènent jusqu’à la cuisine ; un regard
incertain s’efforce de déchiffrer l’heure à la pendule murale ; geste matinal machinal,
l’index met alors radio et cafetière en marche : très vite, animateurs et odeur du café
vont définitivement sonner le réveil.
J'ai fait des rêves
J’ai fait des rêves d’arbres,
j’ai fait des rêves de bois,
j’ai fait des rêves de toi.
J’ai construit des maisons
et planté des chênes
qui maintenant dépassent les toits.
J’ai nourri des abeilles
du trèfle que j’ai semé,
j’ai planté des rosiers,
sans aimer vraiment ça,
pour me faire pardonner
d’en avoir coupé un, autrefois.
J’ai regardé tomber la pluie
en lisant les mêmes livres que toi ;
j’ai fait des rêves de cheminées.
J’ai fait des rêves d’arbres
qui partaient en fumée
dans de grands feux de bois.
Rêveries
… Rires comme un écho dans le désert opaque
Êtres bleus rigolards en nudités obscènes
Violoniste aveugle aux fumées de l’archet
Elfes batifolant parmi les feux-follets
Rives d’or et rubis où veillent des murènes
Iles trop tentantes dont je sais les succubes…
Enfin ! l’aurore point et va me libérer
Sauve-toi sans retour songe amer de la nuit !
Les mains caressent la nuit
Les mains caressent la nuit,
à rebrousse poil ;
la lune ronronne dans un ciel étoilé,
les mots sur la table sont alignés.
Est-ce le chat qui a dévoré les phrases ?
Les mains s’empressent,
il faut ranger les étoiles
avant que le jour ne pointe le bout de son nez.
Le parquet grince ; c’est un souvenir qui danse ;
les mots s’effacent pour le laisser passer.
La lune s’est cachée derrière le paravent,
le pli d’un rideau s’enfle sous le vent.
Il n’y a plus d’étoiles,
les mains apprivoisent la lumière,
la nuit s’est endormie
à l’ombre d’un baobab.
Rêve de gloire
La ville dort, la nuit s’est installée ; la Seine coule bordée par ses berges
monumentales. La lune peaufine sa toilette dans la rivière sans remous : nul
chaland, nulle péniche. La passerelle du Pont des Arts ouvre ses arches pour laisser
filer le courant ; l’eau s’est parée d’une teinte vert pâle.
Tout est tranquille, tout est calme ; une petite pluie glaciale vient s’abimer sur le
macadam. Rien ne bouge, hormis ces chats qui se livrent à un combat de
miaulements pour le ventre enamouré d’une femelle.
Les lourds battants de la porte de l’Institut sont fermés, les marches blanches
esquissent de maigres perspectives, le mamelon de sa coupole, d’or tout auréolé,
ronronne d’aise.
La ville sommeille, indifférente à la pluie et aux cris des chats, indifférente, aussi à
l’ombre peinte par un réverbère qui s’allonge sous la voute du passage, vers la rue
de Seine.
Elle s’allonge, l’ombre, elle traine derrière elle, sur le sol luisant, un chapeau qui n’en
finit pas ; une cape le précède ; l’incertitude d’une écharpe flotte entre eux.
Elle s’amenuise, l’ombre au chapeau, elle se distant jusqu’à atteindre son point de
striction extrême, celui qui précède la rupture, puis, subitement happée par la nuit,
elle disparait.
La pluie se fait plus violente, tout à l’heure le jour se lèvera, de l’ombre, il ne restera
nulle trace.
Juvénile espérance
Vous avouerai-je ici ce trouble qui me hante ?
Quand la voix assurée et le regard lointain
Vous donnez tout en grâce un poème en latin
Je ne vois au tableau que Vénus attirante.
Mon beau rêve insensé, serait que dans l’attente
D’oser à votre joue chuchoter mon dessein
De vivre en votre couche un enfer libertin,
Vous deviniez en moi cette ferveur ardente.
Bientôt j’en suis certain, je ferai le grand pas
Et vous dirai d’un coup l’espoir et mon tracas
Enterrant le cocon de ma timidité.
Dans l’attente, madame, à genoux je vous prie
De ne plus voir l’enfant mais un homme enfiévré
Qui serait votre amant, dont vous seriez chérie.
Rêve sur l’époque en bande dessinée crescendo
Sur la promenade qui longe la mer, un banc… Sur ce banc, un livre… Au bout du
banc, une jeune fille… Sur la jeune fille, un chapeau… Sous le banc, un pot de
peinture renversé et une grande flaque rouge…
Sur la promenade qui longe la mer, un jeune homme…
Sur la promenade qui longe la mer, une jeune fille lance une pièce… Pile, il
court… Face, il s’assied sur le banc…
Face… Sur le banc, une jeune fille et un jeune homme assis…
Ce matin-là, sur la promenade qui longe la mer, Lise assise sur un banc… Sur le
banc, son livre… Sur la tête de Lise, un chapeau de travers… Un chapeau de
paille… Avec des oiseaux de toutes les couleurs et des fleurs et le bonheur et la
joie… De la peinture rouge sang, près du pot renversé sous le banc…
Sur la promenade qui longe la mer, Arthur court grisé, par la caresse du vent
marin…
Sur la promenade qui longe la mer, Lise sort une pièce de son sac, la lance, joue
sa vie à pile ou face…
Face… Sur le banc, Lise et Arthur sont assis… Lise glisse un œil sous le chapeau
de paille… Il est vraiment beau ce jeune homme…
Ce matin-là, si beau, un peu frisquet, vent léger qui vient du large, ce matin de
printemps, juste comme il faut, sur la promenade qui longe la mer, Lise assise sur un
banc… Un livre posé… Elle regarde la mer et elle rêve… Sur sa tête resplendit son
plus beau chapeau… Son chapeau de paille… Elle entend chanter les oiseaux de
toutes les couleurs posés sur le chapeau… Et les fleurs du chapeau sentent bon…
Et le bonheur… Et la joie… Elle évite de mettre les pieds dans la peinture rouge sang
qui s’échappe du pot renversé sous le banc…
Sur la promenade qui longe la mer, Arthur court grisé par la caresse du vent marin
et par la douceur de ce matin d’avril… Il est beau comme ce premier matin… Et il voit
Lise… Si belle…
Sur la promenade qui longe la mer, Lise sort une pièce de son sac, la lance, sent
que sa vie se joue à pile ou face… Bonheur ou malheur…
Face… Arthur et Lise sur le banc sur la promenade qui longe la mer et sous le
chapeau de paille, rires de Lise et Arthur… C’est le bonheur sur un banc, sur la
promenade qui longe la mer…
Ce matin-là, un matin de rêve, si ensoleillé, un peu frisquet à cause du vent léger
qui vient du large, ce matin de printemps, juste comme il faut, sur la promenade qui
longe la mer, Lise est assise sur un banc… Elle a posé son livre… Elle regarde la
mer et elle rêve… Les oiseaux ont quitté le chapeau de paille et sautent et pépient
gaiment autour du banc… Et leurs chants parlent d’amour et de joie… Et les tiges
volubiles des fleurs de son chapeau s’enroulent autour du banc…
Arthur court vers Lise… Il ne voit plus qu’elle… Sur sa peau, la caresse du vent
léger…
Pile ou face… Dans le rêve de Lise, face… Et Arthur va s’assoir sur le banc…
Lise rêve et se rapproche doucement d’Arthur pour ne pas l’effrayer… Lise rêve et
le prend dans ses bras pour l’embrasser… Lise rêve et laisse les liserons de son
chapeau les enlacer tous les deux pour l’éternité… Et le rire et la joie les emportent
dans le chant des oiseaux…
Oubliée la peinture rouge, rouge sang sous le banc… Le sable a bu tout ce
pourpre et le vent le disperse… Violoniste aveugle aux fumées de l’archet
Elfes batifolant parmi les feux-follets
Rives d’or et rubis où veillent des murènes
Iles trop tentantes dont je sais les succubes…
Enfin ! l’aurore point et va me libérer
Sauve-toi sans retour songe amer de la nuit !
Huit ans, le bus et la plage
La climatisation du bus ne fonctionne pas.
Le sac à dos lui tire les épaules.
Sa sœur et ses cousines rient trop fort.
Coincé entre une barre ronde,
un parasol et une grosse dame,
il serre contre lui son trésor : une bouée.
Il est sur les vagues.
Il sent le gout du sel sur ses lèvres.
Il voit la mer qui berce
des étoiles d'argent.
Ses rêves le déposent,
bien avant les autres,
sur la plage.
La laisse de mer
Lorsque la marée refluera
nous irons marcher
Le long de la laisse de mer.
L’écume brillera au ponant,
tu redeviendras l’enfant joueur
tu inventeras la bataille de boules d’écume,
je te dirai « beurk ».
Je remplirai mes poches de trésors :
des os de seiche tout blancs,
pour les oiseaux
des algues emmêlées
pour la terre du jardin,
des morceaux de bois
pour mes sculptures.
Tu quémanderas « et moi ? »
toi tu auras tout le sable
pour tes châteaux
en Espagne.
Au ponant
La beauté du ciel nuageux
caresse les yeux et l’âme.
Le soleil peint les murs
des bâtiments en jaune/or.
Ils brillent,
réfléchissent
en se miroitant.
La ville rêve !
​Éclats de rêve...
​… bien que je la visse immobile la barque avance droit vers un horizon chargé
d'éclairs noirs mais en approchant des hautes herbes il est sûr qu'à cause
d'inextricables algues gluantes où frétillent une myriade de poissons jamais les roues
de notre voiture ne franchiront l'obstacle je m'étonne que nul ne s'étonne serais-je le
seul témoin de cette curiosité mais non de la proue mon père en salopette montre la
sortie du tunnel merci papa mais tu sais tu est mort depuis longtemps lui dis-je en me
retournant alors qu'il disparait dans le fond du jardin tiens je vais cueillir une rose
pour maman pendant que je suis là mais pourquoi perd-elle ses pétale dès que
j'approche la main je le dis à ma sœur cela se produit souvent quand je marche trop
longtemps du sang coule de mes mains mais non non je ne ressens aucune douleur
je pressens alors que l'auditoire de l'amphithéâtre personnages difformes aux orbites
vides hésite à me suivre me voilà contraint de peaufiner mon argumentation me
lancer dans une de ces logorrhées à l'architecture parfaite dont je tire une certaine
fierté ma compagne entourée de quelques visages flous connus m'exprime sa
lassitude de ces discours interminables sa nudité m'inquiète d'autant plus que
plusieurs de ses ex la serrent de bien près à leur rictus libidineux je subodore que
leurs doigts s'immiscent dans ses replis humides elle sourit je sais ce sourire celui de
l'abandon avant l'extase il faudra que je lui dise demain que ce comportement
inconvenant me ridiculise ah la revoilà dans les tribunes au premier rang près de
mon père leurs regards signifient sans équivoque leur réprobation de ma
participation à ce sprint mais sitôt le départ donné ma supériorité leur éclate à la face
je les vois se liquéfier à l'endroit où vient brusquement d'apparaitre en vestale une
habituée de mes nuits qui rabâche son leitmotiv celui du jour où j'ai lâchement refusé
ses avances mon père rigolard harangue ses copains profitons de la vie bientôt nous
serons tous un repaire d'asticots dit-il en faisant tournoyer ses bras bizarrement
longs et désarticulés la brume qui monte de la surface verte de la mer annihile tout
bruit dont mon cri d'alarme en voyant le trou au fond du bateau par où s'engouffre
une source visqueuse exhalant un mélange inconnu de parfums mon appel se
perdrait-t-il dans l'épaisseur moite de l'orage tropical pourtant nous coulons je le vois
je suis seul à prendre conscience que le bord de l’embarcation n'émerge plus que de
quelques centimètres les vagues noires de la décoration et celles opalines de l'onde
se confondent je dois tous les avertir crier crier encore crier plus fort...
J'ai cru crier vraiment... peut-être pas..., puisque rien ne bouge à côté de moi. Les
bâtonnets verts fluorescents des diodes du réveil indiquent 5h25 ; horrible vision !
J’exècre ouvrir les yeux sur ces signes serpentiformes, où 2 et 5 se liguent, présages
d'une journée venimeuse. Vite s’acagnarder, conjurer ce mauvais augure jusqu'à
l’aube ! Une éternité...
Depuis que
Depuis que j’ai rempli
mon matelas
de nuages dodus,
je dors dans le ciel.
Je passe
mes nuits
à rêver
les yeux grands ouverts.
Utopiques divagations…
Quand, à l’orée de la nuit, se taisent les derniers bruissements d’ailes
Et que le silence jette son voile sur le monde,
Il me vient à l’esprit des songes étranges,
Des songes doux comme des plumes d’anges…
Je flotte sur une vague tiède
Elle est en Moi, je suis en Elle…
Le monde n’est pas né, et tout est possible encore.
Que le ciel soit de moire, et les villes de nacre,
Que Dieu soit une femme,
Que les enfants, jamais, ne deviennent guerriers
Et que leurs rires nous fassent des colliers.
Ou bien, comme feuille légère, je vole au-dessus des montagnes et des forêts…
Partout les bêtes sont libres, les arbres, millénaires
Et claire, l’eau des rivières.
Baignés de lune rousse, les soirs s’étirent et se la coulent douce
La terre est infinie…
Au matin, j’entends parler de guerres
De persécutions et de misère
De naufrages et de crimes
De famine.
On nous dit que l’atmosphère se déchire, que l’air lentement nous empoisonne,
Que les sources se tarissent, que l’océan nous vomit.
Mais les rêves poussent malgré tout
Se frayant un chemin entre les ronces amères,
Des rêves naïfs qui portent nom Tendresse, Espérance ou Poésie
Et se faufilent dans la nuit
Quand se taisent les derniers bruissements d’ailes
Et que le silence jette son voile sur le monde.
En fermant les yeux
Il faut attendre. Les chevaux sont fourbus.
Derrière les yeux fermés, tout ira mieux bientôt !
Pour rêver, pour sourire, c’est trop tôt !
Le jour dispense son petit rayon
À la clinique d’accouchement des nuits qui ne tournent pas rond !
Le cœur clignote et voudrait bien passer au rouge !
Il faut attendre ! Rien ne bouge
Et tout bouge !
Les nuits dansent
Dans leur silence de carton rance !
N’écoute pas et rêve, vieux prisonnier de la geôle fatale !
Fais taire la porte et la nuit qui s’y adosse,
Pour leurs noces !
Il est temps… tes yeux fermés… il faut tenter !
Mon copain de 2130
Je te salue, depuis mon urne funéraire :
On ne peut pas toujours se taire !
Montmartre c’est mon pays, là où je suis parti,
En deux mille quelque chose, pour la dernière pause !
J’avais passé l’octantaine et piquais droit sur la nonantaine,
Voire – tu me le diras ! – sur la centaine !
Le temps, le temps ! Je suppose que rien n’a changé,
En deux mil cent trente
Et que l’on arrive toujours avant d’être parti !
Pardi !
Moi, j’aimais bien la vie et l’amour qui m’en donna envie !
Trouve-les aussi, ces rêves qui te permettront
De ne rien regretter…
Sauf, bêtement, de les quitter !
Réflexions autour du projet ReVe
​
À la lecture de l’appel à participer au projet ReVe, diffusé dans la lettre d’information du CLEC, au mois d’avril, Jean Bernardi, adhérent de l’association, nous a adressé un témoignage sur le travail de son épouse, artiste peintre. Il nous a semblé que le regard qu’il porte sur les sources d’inspiration, les réflexions, la création qui en découle, même si elles ne s’inscrivent pas directement dans la demande formulée au CLEC de textes destinés à aiguiser l’inspiration d’autres membres de l’UAICF, il nous a semblé que ce témoignage bien en adéquation avec le « Regarder, écouter, voir, entendre » du projet ReVe méritait d’être partagé.
« Il y a vingt ans de cela, l’invitée d’honneur d’une exposition regroupant quelque quatre-vingts artistes, qui avait une formation d’ingénieur de très haut niveau, expliqua lors du vernissage, que lorsqu’elle contemplait un tableau noir qu’elle venait de recouvrir d’équations, elle se sentait “comme un peintre qui vient de terminer son tableau”. C’était assez inattendu pour une scientifique, mais certainement pas inhabituel pour les créateurs artistiques : dans ses Quatre Saisons, Vivaldi “peint” très distinctement des oiseaux (coucou, tourterelle, pinson). Pour un écrivain, chaque mot est “une trace que la main dessine pour l’œil” (Érudit, Université de Montréal, 1975).
Ainsi, les techniques artistiques se fondent l’une dans l’autre, se confondent, pour ne plus faire qu’une. J’en veux pour preuve les “indispensables” carnets de mon épouse, remplis de notes et de croquis. Certes, elle n’est pas la seule, mais elle, je la connais bien et de plus je peux témoigner !
Elle est née artiste et je maintiens que la peinture coule dans ses veines. Pour qu’elle aille bien il suffit de l’emmener dans les bois, les champs, au bord d’une rivière, de la mer… et trouver l’endroit propice ainsi que le sujet qui l’interpelle. En cela elle est tout à fait en adéquation avec le philosophe Luc Ferry lorsqu’il écrit : “L’art véritable ne réside pas dans la représentation d’une belle chose, mais dans la belle représentation d’une chose. Ce n’est pas le sujet d’une toile qui fait sa valeur, mais la manière dont elle le traite.” (L’Innovation destructrice, Plon).
Mais ce n’est pas tout ! Une fois trouvée la source d’inspiration, elle se met à la regarder sous tous les angles, à l’étudier avec minutie, y compris les côtés qu’elle ne pourra pas reproduire.
Elle n’entend rien d’autre que ce qu’elle associe au sujet choisi (le bruissement des feuilles, le ruissèlement de l’eau, le silence de la neige qui tombe, le chant des oiseaux…), auquel il faut y ajouter les odeurs (fleurs
sauvages, sous-bois, prés fauchés…). Elle est tout à fait dans un ReVe vécu !
Plus récemment ce sont de vieux troncs d’arbres abattus qui furent l’objet de toute son attention. Elle en choisit un, l’étudia, en fit le tour, s’avança, revint en arrière, s’arrêta, se pencha, écouta… À croire qu’il lui parlait ! Puis ce qu’il restait du tronc devint toile !
Il arriva également, dans un autre contexte, que des poèmes soient illustrés sous forme de broderies. Un poème de Rudyard Kipling m’avait particulièrement interpelé : Lorsque le dernier tableau est peint sur la Terre. Les travaux firent l’objet d’une exposition itinérante. Peut-on trouver un meilleur exemple de complémentarité ? Rêvons un instant : à quand un tel projet organisé par l’UAICF en partenariat avec la SNCF ? Ainsi le ReVe deviendrait réalité… »